Sanaa (CICR) – Huit ans après le début du conflit armé au Yémen, la violence, les difficultés économiques et la détérioration des services et des infrastructures sanitaires empêchent de plus en plus de femmes et de filles d’accéder aux soins de santé dont elles ont besoin. Et leur situation devrait encore s’aggraver alors que le manque de financements contraint les organisations humanitaires à réduire leurs activités.
Au Yémen aujourd’hui, moins de 50% des accouchements se déroulent avec l’assistance de professionnels de la santé qualifiés, selon les données de l’UNICEF. On estime qu’une mère et six nouveau-nés meurent toutes les deux heures en raison de complications pendant la grossesse et d’autres causes presque toutes évitables, principalement liées à l’accès limité ou inexistant aux services médicaux.
« C’est un miracle que je sois encore en vie après mon dernier accouchement », s’exclame Najla, originaire de Taïz, la plus ancienne zone de combat du Yémen, où la population est épuisée par les violences continues. « J’ai eu des complications pendant le travail, j’étais à la maison et tous les établissements de santé aux alentours étaient fermés à cause des affrontements. Heureusement qu’une infirmière vivait près de chez moi : elle m’a aidée à mettre mon bébé au monde et nous a sauvé la vie à tous les deux. »
Parmi les 4,2 millions de personnes qui auraient été déplacées au Yémen depuis le début du conflit, 73% sont des femmes et des enfants. Les femmes et les filles déplacées étant encore plus vulnérables sur le plan socio-économique, elles ont un accès limité aux services de base et notamment aux soins et traitements pour les maladies chroniques.
« La douleur est insoutenable », témoigne Moghniya, une mère célibataire souffrant d’un cancer en phase terminale qui vit dans le camp de déplacés de Swaïda à Marib, dans le centre du Yémen. « On m’a adressée à un centre d’oncologie à Moukalla, à des centaines de kilomètres d’ici. Mais je ne pouvais pas payer les frais de transport ni supporter le long voyage nécessaire pour me rendre aux séances de soins. Maintenant, je suis juste assise dans ma tente à attendre que la mort me délivre de mon agonie. »
Plus de 20,1 millions de Yéménites, sur une population totale de 30,5 millions, n’ont actuellement pas accès aux soins de santé de base. Seules 51% des structures sanitaires fonctionnent encore. Et la violence vient encore réduire la capacité des populations à accéder à des soins pourtant vitaux.
« Les femmes qui ont perdu leur mari pendant le conflit sont devenues réticentes à se déplacer pour se faire soigner, surtout si elles vivent dans des zones rurales, car elles craignent d’être attaquées ou harcelées en route », explique Nabiha Ahmad, superviseuse du principal centre public de dialyse d’Aden, qui bénéficie du soutien du Comité international de la Croix-Rouge. « Ces dernières années, beaucoup de nos patientes atteintes d’insuffisance rénale – en particulier celles venant de régions reculées – sont mortes chez elles parce qu’elles n’ont pas pu rejoindre le centre à temps pour recevoir le traitement périodique qui leur aurait sauvé la vie. »
Saïda, une enseignante d’Aden de 45 ans souffrant d’insuffisance rénale, partage ce constat. Elle a besoin d’au moins deux séances de dialyse par semaine. « Au plus fort des violences, j’ai souvent dû choisir entre rester à la maison et mourir de maladie, ou risquer d’être prise dans des tirs croisés en essayant de rejoindre le centre de dialyse le plus proche », raconte-t-elle. « Même pendant les périodes calmes, se déplacer reste compliqué, surtout pour nous, les femmes. »
Informations complémentaires :
Basheer Omar (Sanaa), balselwi@icrc.org, +967 737889476 et/ou +967 771 480 412
Imene Trabelsi (Beyrouth), itrabelsi@icrc.org, +961 3 138 353
Jason Straziuso (Genève), jstraziuso@icrc.org, +41 22 730 20 77
Notes à l’intention des rédactions
Accès des femmes et des filles aux soins de santé au Yémen
Soutien apporté par le CICR aux soins de santé au Yémen
Le CICR continue d’approvisionner six établissements de santé, dont deux hôpitaux, en matériel médical pour soigner les blessés de guerre.
Loglist
Titre : Yémen
Lieux : Aden, Marib, ...
Durée :
Producteur : CICR
Langues de production : arabe, anglais
Dates de tournage : avril-mai 2022
Droit d’auteur : CICR – libre de droits
Script
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Scène / description / transcription |
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Extrait sonore 1 : Najla, Taïz |
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Le manque de services de santé nous épuise. C’est un miracle que je sois encore en vie après mon dernier accouchement. J’ai eu des complications pendant le travail, j’étais à la maison et tous les établissements de santé aux alentours étaient fermés à cause des affrontements. Heureusement qu’une infirmière, Jamila, vivait près de chez moi. Je me suis traînée jusqu’à sa maison. Dehors, il y avait des bombardements et des balles qui pleuvaient de partout. J’ai eu tellement peur... Jamila m’a aidée à mettre mon bébé au monde chez elle. Elle nous a sauvé la vie à tous les deux. Nous avons tellement souffert. Nous avons de la chance de nous en être sortis : tant d’autres y ont laissé la vie. |
Extrait sonore 2 : Manal, sage-femme, Abyan |
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Les accouchements en toute sécurité sont entravés par un nombre croissant d’obstacles. De plus en plus de femmes en couches arrivent trop tard dans les centres de santé. Elles sont victimes des blocages routiers et du manque de moyens de transport, causés par les affrontements violents. Même quand une femme sur le point d’accoucher arrive chez nous à temps, nous n’avons pas toujours tout l’équipement nécessaire, les médicaments, l’oxygène, l’électricité, le carburant... |
Extrait sonore 3 : Mariem, mère de famille, Taïz ? |
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Nous vivons constamment dans la peur à cause des violences. On ne sait jamais quand on peut être attaqué. Il est très difficile pour les femmes et les enfants d’accéder aux hôpitaux en cas d’urgence. Nous regardons impuissantes nos enfants mourir sous nos yeux parce que nous ne pouvons pas atteindre les services de santé. Nous n’avons pas les moyens de payer les frais de transport jusqu’à l’hôpital. Nous sommes obligés de demander de l’argent à des proches et des voisins juste pour couvrir ces frais. |
Extrait sonore 4 : Nabiha Ahmad, superviseuse du principal centre public de dialyse d’Aden, qui bénéficie du soutien du CICR |
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Les femmes malades souffrent particulièrement des effets de la guerre. Celles qui ont perdu leur mari pendant les années de conflit sont réticentes à se déplacer seules pour leurs séances de dialyse. Beaucoup de nos patientes atteintes d’insuffisance rénale, surtout celles qui vivent dans des régions reculées, sont mortes chez elles parce qu’elles ne pouvaient pas rejoindre le centre pour leur traitement périodique. |
Extrait sonore 5 : Saïda, patiente sous dialyse, Aden |
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C’est plus facile pour les hommes, ils peuvent se déplacer librement, sauter dans un bus bondé... Les femmes ne peuvent pas faire la même chose ici. Au plus fort des violences, il n’y avait plus de moyen de transport et c’était dangereux de sortir de la maison. J’avais peur moi aussi. Mais j’ai dû choisir entre rester à la maison et mourir de maladie, ou risquer d’être prise dans des tirs croisés en essayant de rejoindre le centre de dialyse le plus proche. J’ai décidé de prendre ce risque. |
Extrait sonore 6 : Fatima, camp de Swaïda |
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Je m’appelle Fatima et voici ma mère, Moghniya. Elle est très malade, elle a le cancer. C’est moi qui m’occupe d’elle. Je la nourris, je l’habille, je l’aide à se laver et à aller aux toilettes, je fais son lit. J’allais à l’école avant, j’ai atteint le 4e niveau, mais j’ai dû arrêter il y a 3 ou 4 ans quand ma mère est tombée malade. |
Extrait sonore 7 : Moghniya, camp de Swaïda |
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La douleur est insoutenable ! La tumeur a beaucoup grossi, il n’y a plus rien à faire. Les pilules que je prends depuis trois ans sont totalement inefficaces et me fatiguent encore plus. Le dispensaire le plus proche est trop loin : même quand j’arrive à y aller, ils n’ont rien d’autre à me donner que du fluide nutritif. On m’a adressée à un centre d’oncologie à Moukalla, à des centaines de kilomètres d’ici. Mais je ne peux pas payer les frais de transport ni supporter le long voyage nécessaire pour me rendre aux séances de soins. |